Lettre ouverte Me Lionel Agbo; porte-parole du président Boni Yayi

Monsieur le Porte-parole du Président de la République

 

Je ne vous aurais jamais écrit cette lettre ouverte, si votre réaction légitime suite à mon portrait, ne m’avait indigné. Venant d’un porte –parole du Président de la République, c’est gênant. Vous m’aviez traité de vendu. Au nom de la liberté d’aboyer, j’endosse le qualificatif. Chacun sait que « chiens » de presse, vous n’avez jamais apprécié que les caniches, les plumitifs dociles, faire valoir de l’Emergence. Malheureusement pour vous, je ne suis pas de cette majorité macroscopique.

 L’ancien conseiller de l’Elysée, l’écrivain Régis Debray, s’exprime en orfèvre lorsqu’il écrit dans sa CRITIQUE DE LA RAISON POLITIQUE :

« La politique rend bête, fou et furieux »

 

Je ne sais , pour ma part, comment qualifier ce que vous avez dit  de moi , ce vendredi 11 janvier  2008 , à la devanture du siège de Golfe Télévision, en présence de Venance BOKOSSA, la star du Guirigishow, de Vital TOSSOU, journaliste et de Damase , technicien. Je vous cite :

« On vous a donné de l’argent pour que vous écriviez des insanités sur moi.  Ça finira au tribunal. Je n’ai pas peur de vous. Je suis prêt pour un débat contradictoire avec n’importe qui sur n’importe quel sujet  ayant trait  à ma personnalité. J’entends dire dans la ville que j’ai de garde-corps  et de véhicule de fonction. Regardez là-bas, c’est ma voiture. Mon honneur et ma réputation, je vais les sauver... »

        Voilà comment, vous avez excellé dans la rue, criant sur un éditorialiste, -c’est un affront- d’un ton vengeur et grandiloquent. De trop, celui-ci ne vous a pas grandi.

Faut-il que vous ayez perdu le sens des convenances- après être tombé si bas dans la considération des Béninois-, pour vous être fourvoyé  dans une si pauvre réprobation ?.

        Si j’ai bien décodé votre subtile pensée, ce sont vos adversaires qui m’auraient remis de l’argent pour que je livre « votre » honneur (celui de Roger Gbégnonvi et le vôtre) en pâture. Vous le démontrez dans les jours à venir au tribunal de première instance de Cotonou.

        Je vous aurais volontiers pardonné cette faute de goût, ce procédé vulgaire, si vous n’aviez eu l’imprudence d’assortir votre intervention de cette tirade proprement inadmissible, par laquelle vous avez insultés les journalistes et mettre en relief la supériorité de votre ethnie, je vous cite : « Je suis Gléxhouévidjidji, vous allez voir ».

        Gratuits, calomnieux, vos propos revêtent une exceptionnelle gravité….car ils traduisent un souverain mépris pour légalité des ethnies et  la presse d’investigation, deux rouages pourtant essentielles pour la construction d’une démocratie apaisée en Afrique Noire Francophone.

        Journaliste depuis 1998, je n’ai pas, quant à moi, l’habitude de procéder par anathèmes, ni de m’exprimer par des formules alambiquées et hypocrites. Les lecteurs de mes essais, de mes articles, ont pu observer que je vais toujours droit au fait, avec la précision de l’horloger.

 

Monsieur le Porte Parole du Président de la République,

 

J’appartiens à une génération de journalistes (les trentenaires) formée à la dure discipline de la recherche inlassable de l’information. Partout où elle se trouve. Même dans les chaussettes d’un avocat. Vos amis et vous-même en savez quelque chose.

Infâme, votre accusation doit être démontée. Je vais m’employer, dans cette lettre, à  vous enseigner ce qu’est le portait, ensuite ce qu’est la critique de l’action d’un homme  politique. Apparemment, votre long séjour en France, ne vous a pas emmené à lire le Canard Enchaîné, Libération, Marrianane, Le Monde Diplomatique. C’est dommage. En lisant les portraits des hommes publics en France, vous  me reprocherez, à raison, mon excessif   fair play, ma prudence. N’empêche que je vous consacrerai avant la fin de l’année un ouvrage : « Me Lionel Agbo : L’art de retourner sa veste »

 

Au lieu de vous entendre nous traiter de « vendus », j’aurais préféré de vous un examen de conscience.  Homme public, vous devez des comptes à vos militants. Et moi à mes lecteurs.

        Touché par l’acception que vous avez donnée à votre harangue, je vous invite , Monsieur le Porte-parole  du Président de la République, à pousser jusqu’à Pompéi, lors d’une prochaine escapade en Italie du Président de la République, -s’il ne vous laisse pas encore sur le carreau. Sur les murs d’enceinte de leurs demeures, les anciens Romains prévenaient le passant du danger d’en violer l’accès. Ni les cendres volcaniques ni les siècles ne sont pas venus à bout de ces ellipses gravées sur pierre :

« Cave canem », attention au chien.

 

Monsieur le Porte-Parole du P R,

 

 Depuis votre retour au bercail, il me semble que c’est pour la première fois que vous lisiez le portrait  d’un homme politique. J’en conviens. Les journalistes que vous connaissez  ne s’y sont pas frotté. C’est exigeant : il faut le style, la rigueur et la culture requise.

Je vais tenter de vous introduire dans cet univers  grâce à   Etienne SOURIAU, Vocabulaire d’esthétique, Paris : P.U.F., 1990, pp.1161-1162.

Le genre du portrait, dans quelque art que ce soit, témoigne d’un intérêt pour l’individuel ; ce n’est pas seulement l’être humain en général, ou tel type de toute une espèce, que rend le portraitiste ; c’est telle personne en tant qu’elle est elle-même (et ceci, même si au travers de l’individu transparaît une idée de portée générale : le portrait ne s’y réduit pas). Ce caractère existe aussi bien dans le portrait œuvre autonome, que dans le portrait morceau d’une œuvre plus large ; si un romancier fait au passage le portrait d’un de ses personnages, si dans une scène à plusieurs personnages la représentation de chacun par le peintre est un portrait, c’est bien l’individu en tant que tel qui y apparaît. Dans la numismatique, il est arrivé souvent que l’on prête une sorte de physionomie symbolique à valeur générique, et non pas ses traits propres, à tel personnage figurant sur une monnaie.
    
Mais les idées de l'époque sur un idéal esthétique humain transparaissent souvent dans le portrait, surtout quand le modèle veut y paraître beau et que le peintre ou l'écrivain le flatte. On voit aussi certains types génériques d'époque chez les portraitistes mondains.
   

En littérature, le portrait est une description, il donne donc en ordre successif ce que la vue représente simultanément, et la réflexion littéraire a été très sensible dès les théories médiévales, à cette particularité et à l’importance de l’ordre adopté. Le portrait littéraire peut indiquer directement les aspects non visibles de la personne, par exemple donner ses caractéristiques psychologiques. Enfin, il ne faut pas négliger l'existence du portrait musical, qui ne peut rien montrer des traits ou du signalement du modèle, mais qui peut par des analogies dans l'agogique, le rythme, l'harmonie, évoquer l'allure de la personne, son genre de dynamisme d'action ou de pensée, l'accord ou le désaccord intérieur de son psychisme ; ce n'est ni une représentation ni une description mais une évocation.
       

Monsieur,

 

Vous n’êtes pas obligé de le savoir. Si le portrait que j’ai peint de vous, dans les règles de l’art ne vous agrée pas, il vous est loisible d’écrire un autre à travers l’autoportrait dont je vous esquisse le canevas :

Dans l'autoportrait  l'artiste se représente lui-même. «  Il présente l'avantage pratique qu'on a toujours sous la main son modèle et qu'on ne dépend pas ainsi des autres ; il a l'inconvénient pratique qu'à se voir dans un miroir on a de soi une image inversée ; il a la difficulté psychique qu'on y est trop directement intéressé pour se voir facilement de manière impartiale. L'autoportrait, surtout quand il est fréquent chez un artiste, est un témoignage du genre d'intérêt qu'on se porte à soi-même. Mais qu'on fasse son propre portrait ou celui d'un autre, le portrait marque toujours qu'on attribue une importance à l'haeccéité du moi, à l'identité personnelle."


    Monsieur le Porte-parole du Président de la République ,

 

Que reste-t-il la critique pour le journalisme « émergent » ? Une  théorie inventée de toutes pièces par les feuilles mortes de notre profession de journaliste  pour faire le lit de l’embastillement ?

 L’expression « dire les choses telles qu’elles sont » est notre bréviaire de professionnel des médias. Surtout de l’éditorialiste -  lorsqu’il prétend à une objectivité en dehors de tout parti pris idéologique. Elle constitue l’envers de la « langue de bois » qui soit ment soit parle pour ne rien dire. Celui qui la formule se prémunit d’emblée de toute critique : il ne fait que constater un état de fait, sans le déformer ni émettre un jugement. Il est en quelque sorte « perché » dans une position de surplomb qui le rend intouchable.

 Cette première remarque permet d’ores et déjà de mesurer le bénéfice indéniable d’une telle position : celui qui la tient se situe d’emblée en dehors des rapports de pouvoir, des conflits d’intérêt. Il émet un diagnostic qui se veut le plus objectif possible. Pour ce faire d’ailleurs, il pourra s’appuyer sur les instruments scientifiques d’analyse sociologique et économique, sur l’ensemble des techniques d’objectivation d’une population donnée.
Cette position d’objectivité tire sa légitimité de deux sources possibles et qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre : le bon sens et l’expertise scientifique. Je dirais en ce qui me concerne de l’expertise journalistique.  Dans le cas du « bon sens », le sujet se prévaut d’un jugement que n’importe qui pourrait avoir, s’il raisonnait correctement. Il ne s’exclut pas de la masse, mais en relaie le discours de vérité. « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » disait Descartes, même si son usage est très inégal en fonction des individus. Il est toujours de droit accessible, ce qui désamorce tout procès d’intention aristocratique. « Je ne parle qu’au nom du peuple, du discours que tout un chacun serait capable de tenir, je ne suis que la surface de réflexion du peuple avec lui-même ».
      Au contraire, dans le cadre de l’expertise scientifique, le sujet s’exprime depuis un dehors qui lui assure une objectivité. Il détient une méthode, des outils d’analyse, que tout un chacun ignore et qui lui donnent une position de surplomb garantissant la véracité de son jugement.  (C’est le philosophe qui parle et non le journaliste)

Il bénéficie alors de l’aura de la connaissance scientifique, sans pour autant être targué d’oligarque ou d’aristocrate. En effet, ce n’est pas sa position dans les rapports de force qui lui permet d’accéder au discours de vérité sur les hommes politiques, mais un savoir et une méthodologie acquis indépendamment de ces rapports et qu’il exerce pour mieux les comprendre.
Parfois, lors d’une grande « communion cognitive », l’éditorial ou l’essai  est en parfaite adéquation avec le « bon sens », auquel il confère simplement une forme aboutie.
Ainsi, quel que soit le lieu d’où il parle, celui qui dit les choses telles qu’elles sont est inattaquable ; il a pour lui la vérité sur l’analyse de la situation et sur les actions éventuelles à mener conséquemment.  

 

Monsieur le  Président du Congrès Africain des Démocrates  (CAD)

 

Vous aviez dit que vous n’aviez pas peur de moi. Le débat contradictoire que vous souhaitez de tous vos  vœux aura lieu. Je vous laisse le loisir de choisir la chaîne de grande audience, l’heure de votre convenance et les animateurs de votre obédience. J’accède à votre desideratum pour trois raisons fondamentales.

Primo, vous êtes cultivé : Hugo, La Bruyère, La Fontaine, Voltaire, Machiavel, …seront au rendez-vous. Ayant été nourri aux belles lettres dès ma tendre enfance, j’aime la compagnie des gens bien.

Deusio, j’aime les challenges. Mon père, j’ai encore souvenance, nous déclamais, sous l’arbre pendant les vacances scolaires, un texte qui m’est resté mémorable, c’est celui de  Pierre Corneille, le poète de l’honneur en France, l’auteur du Cid, où pour venger l’honneur de son père, le héros doit vaincre Le Comte, père de celle qu’il aime, Chimène. Mais Le Comte a lui-même de l’honneur et il voudrait éviter à Don Rodrigue une mort certaine.

Le Comte !

Jeune présomptueux !

Don Rodrigue.

Parle sans t’émouvoir.
Je suis jeune il est vrai ; mais aux âmes bien nées
La valeur n’attend pas le nombre des années.

Le Comte.

Te mesurer à moi, qui t’as rendu si vain,
Toi qu’on a jamais vu les armes à la main ?

Don Rodrigue.

Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.

Le Comte.
[...]
Ne cherche point à faire un coup d’essai fatal ;
Dispense ma valeur d’un combat inégal :
Trop peu d’honneur pour moi suivrait cette victoire ;
À vaincre sans péril on triomphe sans gloire.
On te croirait toujours abattu sans effort ;
Et j’aurais seulement le regret de ta mort.

Don Rodrigue

D’une indigne pitié ton audace est suivie :
Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie!

Je ne sais qui de nous deux sera Le Comte ou Don Rodrigue, à la fin du débat que vous avez souhaité. Je reste pour ma part serein. J’ai plutôt peur de l’issue pour vous : votre poste chèrement acquis à coup d’éloge, de flatterie, de courbettes et de pommade.

 

Maître de la parole,

 

 J’en aurai fini quand j’évoquerais la formule célèbre de celui qui n’a jamais voulu faire de vous un ministre, le Président Mathieu Kérékou : « Si vous êtes prêt, moi aussi  je suis prêt »

 

Admirations perdues

 

Herbert HOUNGNIBO

 



14/01/2008
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

design by ksa | kits graphiques by krek